Il aura fallu attendre presque une décennie pour que les responsables présumés du crash de l’avion sanitaire de Senegalair, survenu le 5 septembre 2015, soient enfin confrontés à la justice. Mercredi dernier, le tribunal correctionnel de Dakar a tenu une audience spéciale, tant attendue, sur ce drame aérien qui avait coûté la vie à sept personnes. Dans le box des accusés, quatre hauts cadres de l’aviation civile sénégalaise, poursuivis pour homicide involontaire. Un procès au goût amer, où les souvenirs de cette nuit funeste et les défaillances institutionnelles se sont entrechoqués.
À la barre, Maguette Marame Ndao, ancien directeur général de l’Anacim, Mohamed Mansour Sy, ex-directeur des transports aériens, El Hadji Mactar Daff, inspecteur de la navigabilité, et Mamadou Sy, inspecteur de la sécurité de l’aviation civile. Tous rejettent en bloc les accusations et plaident non coupables. La défense s’emploie à détourner la lumière vers d’autres entités, notamment la compagnie Senegalair et l’Asecna. Selon eux, la première aurait «dissimulé des éléments critiques sur la maintenance de l’avion», et la seconde aurait «tardé à donner l’alerte».
Mais la défense peine à éteindre les révélations de l’un des leurs. Al Hassane Hanne, expert aéronautique et ex-chef de maintenance de Senegalair, a jeté un pavé dans la mare. Il affirme avoir alerté les autorités bien avant le crash, via un rapport circonstancié dans lequel il recommandait «la suspension immédiate des avions de la compagnie». Un signalement resté lettre morte. Pis encore : deux mois avant l’accident, Senegalair obtenait un certificat de navigabilité «dans des conditions étrangement rapides», malgré deux incidents antérieurs.
Le tout, selon lui, dans un climat d’aveuglement volontaire. Face à ces accusations, les prévenus remettent en cause «la légitimité de ce rapport», doutant de la compétence de M. Hanne à intervenir sur cet appareil précis. Une tentative de décrédibilisation qui n’a pas convaincu le parquet. Pour le ministère public, il est clair que les accusés n’ont pas su empêcher l’irréparable malgré les alertes répétées. Il parle d’un «laxisme coupable», d’une incapacité manifeste à prendre des décisions fermes, rappelant que «la compagnie n’avait même plus de locaux fonctionnels» au moment de l’accident.
Le parquet a requis deux ans de prison ferme pour chacun des prévenus, avec mandat de dépôt, et une amende de 12 millions de francs CFA. La défense, elle, plaide la relaxe. Seul Me Youssoupha Camara, avocat d’une des victimes, a demandé 650 millions de francs CFA de dommages et intérêts pour le copilote décédé. Les autres parties civiles ont sollicité la réserve de leurs intérêts. Le verdict est attendu le 24 juillet.
Aïssatou TALL (Actusen.sn)